La diminution des ressources hydriques et l’essor démographique contraignent les municipalités du monde entier à chercher des moyens d’améliorer leur approvisionnement en eau et de sensibiliser les consommateurs à son emploi et à sa réutilisation.
LA PÉNURIE D’EAU est ou va devenir un grave problème dans un nombre croissant de communautés urbaines un peu partout dans le monde. Un rapport publié en 2007 par l’UNEP (le programme des Nations unies pour l’environnement) prédit que d’ici 2015, les prélèvements d’eau douce auront augmenté de 50 % dans les pays en développement et de 18 % dans le monde développé. Déjà, 60 % des villes de plus de 100 000 habitants d’Europe pompent plus d’eau que les nappes phréatiques n’arrivent à en stocker, à en croire les chiffres du World Business Council for Sustainable Development.
« Une solution relativement récente est la récupération de l’eau déjà utilisée, mais nous n’en sommes qu’aux préliminaires », confie Per-Arne Malmqvist, professeur au Stockholm International Water Institute (SIWI).
Dans les grandes lignes, ce procédé vise à récupérer l’eau des eaux usées et à l’épurer. Toutefois, on ne peut guère s’attendre à ce que le grand public s’emballe pour la réutilisation de l’eau. « Le terme “eaux-vannes” n’a pas une très bonne connotation, poursuit le professeur. Ceux qui ont déjà abordé la question ont eu recours à une autre terminologie. »
C’est le cas de Singapour, par exemple, où l’on l’appelle « eau usagée », et son dérivé, l’eau purifiée, NEWater (voir page 8). En Californie, État affichant un déficit hydrique, le comté d’Orange s’est servi d’une autre méthode pour informer ses 2,4 millions d’habitants sur le Groundwater Replenishment System (GWRS). Ce projet de recharge de la nappe phréatique reposant sur l’épuration des eaux usées a été lancé dans les années 1990 par les instances régionales de distribution de l’eau et d’hygiène publique, l’Orange County Water District (OCWD) et l’Orange County Sanitation District (OCSN).
« Nous avons particulièrement veillé à employer le mot “égout” aussi souvent que possible pour que les gens comprennent bien qu’il s’agissait là de la source de l’eau recyclée », explique Eleanor Torres, directrice des affaires publiques à l’OCWD.
Elle ajoute que cette stratégie est le fruit de l’expérience tirée de projets antérieurs dans d’autres régions de Californie, projets que l’on a dû remiser en raison de la réaction du public, en l’espèce : « Vous ne nous aviez pas dit qu’il s’agissait d’eaux-vannes ».
Le GWRS a tout fait pour que cela ne se reproduise pas. « On s’y est tous mis et on est allé discuter avec chaque groupe qui voulait bien nous écouter afin de gagner sa confiance et son appui. »
Le système épure les eaux usées à l’aide d’un procédé de microfiltration, d’osmose inverse et de désinfection par rayonnement U.V. et peroxyde d’hydrogène. Environ 260 000 m³ d’eau traitée sont injectés chaque jour dans une barrière souterraine anti-eau de mer conçue pour protéger la nappe phréatique de l’intrusion d’eau salée. L’autre moitié est pompée dans des bassins d’épandage où elle suit le même parcours que l’eau de pluie jusqu’à la nappe phréatique. Le GWRS a été mis en service en 2008. À en croire Eleanor Torres, le public l’a totalement adopté.
DE L’AUTRE CÔTÉ de l’océan Pacifique, à Phnom Penh, capitale du Cambodge, la régie des eaux PPWSA (Water Supply Authority) s’est heurtée à un tout autre obstacle : elle a dû informer les consommateurs que l’eau publique était payante. Lorsque Ek Sonn Chan a été nommé directeur de la PPWSA en 1993, certains usagers parmi les plus nantis, dont parfois les pouvoirs publics, ne comprenaient pas pourquoi il fallait payer l’eau.
Après des années de laisser-aller, le système de distribution d’eau de la ville était en piteux état et comptait d’innombrables dérivations sauvages. Ek Sonn Chan s’est rendu compte que la longévité du système de distribution passait par une saine gestion financière. En conséquence, la PPWSA a rénové le réseau et imposé des compteurs d’eau. « L’installation d’un compteur change les habitudes du consommateur. La consommation d’eau est mesurée, on n’a pas d’autre choix que de payer », a-t-il déclaré dans un documentaire télévisé produit en association avec l’Asian Development Bank (ADB).
Convaincre les consommateurs a nécessité des efforts et du temps, mais aujourd’hui la PPWSA fournit l’eau de toute la capitale. Le réseau est en train d’être étendu à la périphérie. Selon l’ADB, le nombre de branchements est passé de moins de 30 000 à plus de 150 000, dont 15 000 foyers dans des quartiers démunis. Parallèlement, les pertes d’eau dues aux fuites ont chuté de 72 % à 6 %.
Dans les pays plus riches, ces pertes peuvent s’élever à 20 %, voire plus. Dans son rapport European Water-Saving Potential de 2007, l’Ecologic Institute, un groupe de réflexion américain, soutient que la réduction des fuites du réseau de distribution, associée à des appareils économes en eau et à de l’électroménager plus performant, permettrait d’économiser jusqu’à 50 % d’eau au sein de l’Union européenne.
Endiguer ces pertes est un moyen d’accroître les ressources hydriques. En ce qui concerne les régions proches du littoral, le dessalement de l’eau est une autre option. « On construit beaucoup d’usines de dessalement un peu partout dans le monde, fait remarquer Per-Arne Malmqvist du SIWI. Naturellement, si elles tournent aux combustibles fossiles, il y aura des répercussions sous forme de hausse des rejets de CO2. »
Le recours à l’énergie solaire et l’installation de technologies efficaces de récupération d’énergie peuvent contribuer à résoudre ce problème. Selon la régie des eaux australienne WaterSecure dans le sud-est de l’État du Queensland, son usine de Tungun récupère 97 % de l’énergie contenue dans le concentré d’eau salée issu du processus avant son rejet dans l’océan.
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